De la villa individuelle à l’immeuble, en passant par les PME et les communes : comment s’organiser pour consommer plus local et moins dépendre du réseau ?
L’après-production, place à l’optimisation collective
Dans nos deux précédents articles, nous avons vu comment produire son électricité grâce au photovoltaïque, puis comment la gérer intelligemment pour en tirer le meilleur.
Aujourd’hui, allons plus loin. Car optimiser sa production ne signifie pas forcément la garder pour soi. Dans de nombreux cas, partager l’énergie localement peut être plus rentable, plus écologique… et plus efficace pour atteindre les objectifs de la Stratégie Énergétique 2050.
Cette approche porte un nom : l’autoconsommation collective. Elle se décline en trois modèles principaux, que la Suisse reconnaît et encadre : la Communauté d’Autoconsommateurs (CA), le Regroupement dans le Cadre de la Propre Consommation (RCP), et la Communauté Électrique Locale (CEL).
Comprendre ces trois formats, c’est se donner les moyens de faire le bon choix selon son bâtiment, son voisinage, ou encore son activité professionnelle.
1. La Communauté d’Autoconsommateurs (CA)
Définition :
Une CA est un groupe de consommateurs (et éventuellement de producteurs) qui partagent localement l’énergie solaire produite par une installation. Chaque membre garde son propre contrat avec le Gestionnaire de Réseau de Distribution (GRD) pour compléter ses besoins.
Conditions et fonctionnement :
- Accessible dès 2 participants.
- Pas de modification majeure des compteurs existants.
- Les membres définissent entre eux la clé de répartition de l’énergie produite.
- Chacun paie sa part de l’énergie réseau consommée en plus de l’énergie solaire partagée.
Avantages :
- Mise en place rapide et peu coûteuse.
- Flexibilité : entrée et sortie faciles des membres.
- Adapté aux bâtiments existants et aux petits groupes de voisins.
Limites :
- Moins structuré sur le plan juridique.
- Nécessite un accord clair entre les membres pour éviter les malentendus.
- Pas de mutualisation à grande échelle.
Exemple concret :
Trois appartements dans un petit immeuble, s’équipent ensemble d’une installation photovoltaïque sur le toit et se partagent la production, tout en gardant leurs contrats individuels.
2. Le Regroupement dans le Cadre de la Propre Consommation (RCP)
Définition :
Le RCP est un cadre plus structuré que la CA. Ici, le regroupement est considéré comme un seul client vis-à-vis du GRD. L’installation et la répartition de l’énergie sont gérées de manière centralisée.
Conditions et fonctionnement :
- Encadré par la Loi sur l’Énergie (LEne) et son ordonnance (OEne).
- Nécessite des compteurs spécifiques ou des compteurs intelligents (smart meters) pour mesurer précisément la consommation de chaque membre.
- Un représentant du RCP gère la facturation interne et les relations avec le GRD.
- Possibilité d’intégrer plusieurs bâtiments si reliés par un réseau interne.
Avantages :
- Structure juridique claire.
- Optimisation du taux d’autoconsommation et meilleure rentabilité.
- Potentiel accès au marché libre pour les gros regroupements (≥ 100’000 kWh/an).
Limites :
- Mise en place plus complexe et coûteuse que la CA.
- Sortir du regroupement implique des démarches plus lourdes.
- Demande une gestion administrative rigoureuse.
Exemple concret :
Un immeuble neuf de 12 appartements intègre une installation solaire commune sur le toit. Tous les logements sont reliés au même compteur principal et l’électricité est répartie en fonction de la consommation réelle.
3. La Communauté Électrique Locale (CEL)
Définition :
La CEL est un dispositif plus ambitieux, permettant de mutualiser la production et la consommation d’électricité à l’échelle d’un quartier, d’une zone artisanale, ou même d’une commune.
Conditions et fonctionnement :
- Possible en Suisse dès 2026.
- Peut impliquer plusieurs producteurs et consommateurs sur une zone géographique élargie.
- Fonctionne grâce à la coordination avec le GRD et, souvent, à la création d’une structure juridique (coopérative, association).
- Permet d’intégrer production solaire, stockage, bornes de recharge, et autres sources d’énergie renouvelable.
Avantages :
- Impact local important sur la transition énergétique.
- Ouvert aux particuliers, entreprises et collectivités.
- Potentiel de réduire fortement la dépendance au réseau national.
Limites :
- Gouvernance complexe (technique, administrative, juridique).
- Déploiement encore rare et exigeant en termes de coordination.
- Nécessite des infrastructures adaptées (réseau, compteurs intelligents).
Exemple concret :
Une commune met en place une CEL reliant l’école, l’administration, une zone artisanale et plusieurs habitations, avec une centrale solaire et un stockage commun.
4. Avantages et inconvénients en un coup d’œil
| Modèle | Conditions clés | Avantages | Inconvénients |
| CA | Dès 2 participants, pas de modification compteur | Flexible, rapide, peu coûteux | Moins structuré, dépend des accords internes |
| RCP | Compteur unique / smart meters, cadre légal strict | Rentabilité optimisée, structure claire | Installation plus complexe, gestion lourde |
| CEL | Zone étendue, coordination GRD | Impact massif, ouvert à tous | Complexité de gouvernance, infrastructures lourdes |
5. Cas pratiques selon le type d’utilisateur
Villa individuelle :
Une CA avec un ou deux voisins est souvent suffisante pour mutualiser une partie de la production.
Immeuble existant :
Le RCP est envisageable si une rénovation électrique est prévue, sinon la CA peut être un premier pas.
Immeuble neuf :
Le RCP est presque toujours recommandé, car la structure est pensée dès la construction.
PME / artisans :
CA ou CEL selon la proximité avec d’autres entreprises et la possibilité de mutualiser un réseau.
École / administration :
CEL idéale pour mutualiser avec d’autres bâtiments publics.
Commune / zone industrielle :
CEL, avec vision à long terme et intégration d’autres projets énergétiques.
6. Comment choisir ?
Avant de se lancer, il faut se poser les bonnes questions :
- Quelle est la configuration des bâtiments ?
- Quel est le niveau de proximité entre les participants ?
- Quel budget et quelle capacité de gestion administrative sont disponibles ?
- Souhaite-t-on une solution rapide ou un projet structurant sur le long terme ?
Règle d’or CEL (Cauderay Electrotecnic Léman SA):
- CA : parfait pour commencer, petit groupe, flexibilité.
- RCP : idéal pour projets neufs ou rénovations importantes.
- CEL : vision à long terme, impact fort à l’échelle locale.
Conclusion – L’énergie est plus puissante quand elle se partage
L’autoconsommation collective est l’un des leviers les plus efficaces pour optimiser l’usage de l’électricité solaire.
En choisissant le bon modèle – CA, RCP ou CEL – chaque particulier, entreprise ou collectivité peut réduire sa facture, améliorer son indépendance énergétique, et contribuer activement à la transition énergétique suisse.
Une énergie locale, bien pensée, qui profite à tous, c’est invisible et ça change tout !

